La surdité brusque est une hypoacousie d’apparition soudaine ou rapide, dans de rares cas il peut s’agir d’une cophose d’emblée. La perte auditive est en général unilatérale, par atteinte cochléaire pure dont les signes d’accompagnement peuvent être des acouphènes, une sensation de plénitude de l’oreille et des signes de la distorsion sonore. L’originalité de cette affection tient à son évolution pouvant se faire vers l’aggravation ou rémission spontanée.

Sa prévalence est estimée de 5 à 20 pour 100.000 habitants et ce nombre semble s’accroître actuellement, cette incidence est certainement sous-estimée par des biais de recrutement : surdités traitées en ambulatoire, récupération voire guérisons spontanées, sujets âgés.

L’étiologie en demeure mal connue. Si, dans approximativement 20 % des cas des facteurs favorisants peuvent être mis en évidence (traumatisme sonore ou barotraumatisme, maladie de Ménière, neurinome de l’acoustique, médicaments otolithiques), la surdité brusque est habituellement qualifiée de « spontanée ». Les mécanismes les plus fréquemment avancés évoquent une atteinte vasculaire, virale, allergique, auto-immune ou pressionnelle.

 

Rappels anatomiques de l’oreille interne

Le labyrinthe osseux ou capsule otique

Situé en pleine masse pétreuse, entre l’oreille moyenne et le conduit auditif interne, constitue une coque d’os compact autour du labyrinthe membraneux, mais reste séparé par les espaces péri-lymphatiques.Le labyrinthe osseux peut être décomposé en :

  • labyrinthe postérieur
  • labyrinthe antérieur ou colimaçon osseux

Le labyrinthe postérieur

Il comprend vestibule et canaux semi-circulaires. Le vestibule, partie centrale du labyrinthe postérieur, présente des parois creusées par les orifices d’abouchement des canaux semi-circulaires, trois tubes creux approximativement perpendiculaires entre eux, à savoir :

  • Canal externe;
  • Canal supérieur;
  • Canal postérieur.

Le vestibule présente également les orifices des fenêtres ovale et ronde.

Le labyrinthe antérieur ou limaçon osseux

En forme de coquille d’escargot, il prolonge en avant le vestibule osseux. Un tube osseux, décrivant en moyenne deux spires et demie, s’enroule autour d’un noyau central, la columelle, faite d’os poreux. Il constitue l’élément essentiel. Ce tube est parcouru sur presque tout son trajet, par la lame spirale, lamelle osseuse, dont un bord adhère au tube osseux, l’autre bord est libre et donne insertion à la membrane basilaire. Le tube osseux se trouve ainsi cloisonné en deux compartiments :

  • supérieur ou rampe vestibulaire;
  • inférieur ou rampe tympanique.

Ces deux rampes communiquent entre elles par un orifice, l’hélicotréma, situé au sommet de la coupole du limaçon.

Le labyrinthe membraneux

Défini par l’ensemble des cavités à paroi conjonctivo-épitéliale qui supportent les éléments sensoriels de l’oreille interne. Ces cavités communiquent entre elles par des canaux et forment un système clos, rempli de liquide : l’endolymphe.

La physiologie permet de diviser le labyrinthe membraneux en deux parties :

  • l’organe de l’équilibre;
  • l’organe de l’audition.

L’organe de l’équilibre

Il est postérieur et comprend les canaux semi-circulaires, l’utricule et le saccule. Les canaux semi-circulaires sont les récepteurs gyresthésiques, sensibles surtout à l’action de la pesanteur.

L’organe de l’audition

C’est le canal cochléaire, canal triangulaire à la coupe. Sa paroi postérieure supporte l’organe de Corti, élément essentiel de l‘audition. L’organe de Corti repose sur la membrane basilaire et dessine une longue crête sur toute la longueur de la cochlée. Il est constitué par un épithélium très différencié, comprenant :

  • des cellules de soutien;
  • des cellules sensorielles.

Les cellules de soutient sont des piliers disposés en deux rangées externe et interne (cellules de Deiters, cellules de soutien des cellules ciliées externes).

Les cellules sensorielles sont des cellules ciliées, disposées en deux groupes de part et d’autre des piliers : les cellules internes (3500) disposées sur une seule rangée, et les cellules externes (14000) formant trois rangées ou plus. L’extrémité inférieure des cellules sensorielles repose dans les cupules crées par les cellules de soutien. Leur extrémité supérieure est encastrée dans la membrane réticulaire et présente des cils (50 à 100 cils par cellule).

La membrane tectrice recouvre en dehors l’organe de Corti.

Les vibrations sonores sont transmises à la cochlée par la chaîne ossiculaire grâce aux mouvements de l’étrier dans la fenêtre ovale. La transmission de la vibration sonore par l’étrier n’est possible que grâce à la membrane de la fenêtre ronde, seule zone d’expansion du liquide, et qui vibre en opposition de phase avec l’étrier. Les déplacements de l’étrier provoquent une onde de pression qui va se propager dans le péri lymphe et transmettre les variations de pression dans les rampes vestibulaire et tympanique.

Les variations de pression péri-lymphatique donnent naissance à une onde qui se propage le long de la membrane basilaire, de la base vers l’apex. Les mouvements de la membrane basilaire sont à la base de l’excitation des cellules sensorielles.

Physiopathologie

Rappels physiologiques

Le rôle des cellules ciliées externes est d’amplifier le son par contraction rapide, un filtrage très sélectif en résulte. Le rôle des cellules ciliées internes est la transduction mécano-électrique en influx nerveux. Un stimulus auditif génère d’abord un mouvement liquidien cochléaire avec propagation d’une onde de tonométrie grossière. Grâce aux fonctions sélectives des cellules ciliées externes un petit nombre voire une seule cellule ciliée interne est stimulée. Par libération du neurotransmetteur glutamate, un influx nerveux est acheminé via le système nerveux afférant vers le système nerveux central.

Etiopathogénie

L’hypothèse pathogénique classiquement admise est une atteinte de la vascularisation de l’oreille interne, par vasospasme et/ou hyper viscosité, provoquant des lésions anoxiques de l’organe de Corti.

L’importance de la perte auditive dépend de l’atteinte des cellules ciliées internes, par défaut d’oxygénation. Ce trouble peut siéger au niveau de la strie vasculaire occasionnant des dégâts micro circulatoires, ou au niveau de la cellule sensorielle ou impliquer les liquides labyrinthiques en entraînant des modifications ioniques. La conséquence de ces perturbations est une souffrance du neuro-épithélium sensoriel soit directement par privation sanguine et anoxie, soit indirectement par un phénomène d’œdème augmentant la pression des liquides labyrinthiques.

Les anomalies vasculaires ne sont pas les seules à pouvoir expliquer la survenue d’une surdité d’installation brutale même si c’est l’hypothèse la plus fréquemment évoquée, surtout chez le sujet âgé présentant des facteurs de risque cardio-vasculaires. Il existe trois mécanismes : l’hémorragie chez l’hypertendu, la thrombose chez l’athéromateux et le spasme, isolé ou associé. L’hypothèse virale est évoquée en fonction du contexte clinique et plus facilement chez le sujet jeune de moins de quarante ans. Les perturbations de la micro circulation cochléaire sont dues à l’œdème endothélial, à l’hémagglutination et à l’hyper coagulabilité sanguine. D’autres hypothèses sont allergiques, toxiques, auto-immune ou pressionnelle, correspondant à l’hydrops cochléaire de la maladie de Ménière.

Devant une telle diversité, il importe de cibler de façon adéquate les surdités qui sont justiciables d’un traitement par oxygène hyperbare. De nombreux auteurs ont démontré l’influence de l’oxygène sur la modification du métabolisme cochléaire. Ainsi, l’inhalation d’oxygène provoque une nette élévation de la tension d’oxygène intra-cochléaire. De même, l’oxygénothérapie en augmentant le rendement de la voie des pentoses, jouerait un rôle important dans le maintien de l’activité métabolique intra-cochléaire. Ainsi la cochlée est vraisemblablement sous la dépendance de deux mécanismes énergétiques distincts : aérobie pour la strie vasculaire et glycolytique anaérobie pour l’organe de Corti. Une dette en oxygène peut donc être à l’origine du trouble auditif.

Les effets physiologiques de l’oxygénothérapie hyperbare procèdent de l’augmentation du contenu artériel en oxygène engendrant un certain nombre d’effets bénéfiques :

  • compensation du défaut de perfusion tissulaire malgré la diminution du débit sanguin local;
  • vasoconstriction des territoires sains, favorisants la diminution de l’œdème, la redistribution vasculaire dans les zones ischémiques et la réapparition d’une vasomotion;
  • déformabilité des hématies et abaissement de l’indice de filtration érythrocytaire.


Réf. : Roux D, Surdité brusque, Mémoire pour l’obtention du DIU de médecine hyperbare et subaquatique, 2001